Perez, Emmanuel

EMMANUEL PEREZ 

L’autre vie des objets…

L’expression consacrée depuis le milieu du XVIIIe siècle les qualifierait de «Natures mortes». De ces objets, fleurs, fruits et autres vases ou corbeilles désignant l’un des grands sujets classiques de la peinture, Diderot parlait comme de «Natures inanimées». Mais c’est l’appellation un brin macabre de Chardin qui s’était finalement imposée au français, puis à l’italien. Plutôt que la mort, les Hollandais, les Allemands et les Anglo-saxons, eux, ont opté pour la vie et baptisé le genre «Still-leven», «Stillleben» ou «Still-life», soit «Vie silencieuse» ou «Vie immobile».

Les nouvelles peintures d’Emmanuel Perez sont tout sauf mortes. Mais pas sûr qu’elles soient immobiles et silencieuses non plus. Ses choses à lui vivent leur vie sur la toile, y prennent leur autonomie et y racontent leurs bribes d’histoires sans paroles sans trop se soucier d’être bien ressemblantes à leurs modèles, aussi loin des représentations symboliques et des décryptages savants façon Vanités du XVIIe siècle que de la banalité ordinaire des produits de la société de consommation version pop art. Ni portée allégorique ni constat sociologique. Alors simples prétextes à peindre ? En partie peut-être, mais surtout prétextes à dériver vers les territoires du rêve et des associations incongrues et fertiles. Tout aussi insolites et sibyllins que le sont les personnages et les animaux de ses autres séries de travaux, ses objets importent bien moins par leur réalisme, leur usage ou leur charge métaphorique que par leur qualité de présence, leur résonance, leur disposition à s’infiltrer dans nos espaces physiques et mentaux, leur don de déclencher des échos en nous et d’attiser nos imaginaires. Si le mot ne risquait pas de prendre une connotation mystique qui n’a pas sa place ici, on pourrait parler de leur aura ou leur halo de mystère et de promesses de vies plurielles.

Sous son regard oblique et ses pinceaux inventifs, ses objets prennent la tangente. Ils sont encore dans le champ de la figuration mais se mettent parfois à flirter avec l’abstraction. Qu’est-ce qui fait passer les formes de l’une à l’autre ? Très peu de choses en réalité : un zoom, un léger décadrage, une inversion, une autre manière de regarder et la figure devient abstraite, au sens étymologique latin : abs-traites, c’est-à-dire tirées de. Tirées d’où ? Du réel et des interprétations infinies que l’art en propose. Pas de frontière donc entre le figuratif et l’abstrait, mais une zone de passage qui, dans cet espace fluide de légère indétermination, dit l’importance et la fécondité de l’entre-deux.

Emmanuel Perez y ajoute une pincée d’onirisme, de surnaturel et de sourire en coin parfois qui donnent à ses objets une vie propre et décalée, inattendue, déroutante, poétique. Et transitoire, car toujours prête à se transformer pour raconter d’autres histoires sans commencement ni fin ou se laisser dériver vers d’autres songes, d’autres mirages, d’autres visions fantasmagoriques. Rien n’y est jamais définitivement figé, tout y apparaît en instance de métamorphose, comme des apparitions entrelaçant étroitement le réel et la fiction, la présence et l’absence, le positif et le négatif, la lumière vive et l’ombre énigmatique.

Comme ce piano à queue rempli de fruits aux tiges envahissantes et hirsutes. Comme ce pied de table qui, se souvenant d’où il vient, redevient arbre et se met à fleurir avec une exubérance lyrique. Comme cette table bleu outremer qui joue les piscines en accueillant sur son plateau dur le splash éclaboussant d’un

invisible plongeon. Comme cette rangée de candélabres baroques qui bourgeonnent comme une allée d’arbres au printemps. Comme cette chaise qui se fait danseuse ondoyante jonglant avec une orange. Ou comme cette poire géante enchâssée dans une baignoire, bien charnelle et plantureuse mais vue en négatif, comme découpée en creux…

Les fonds noirs donnent le ton à une grande partie de ce nouveau cycle de travaux. Pourquoi le noir qui gomme tout contexte autour des objets ? Pour la radicalité et l’énergie du noir peut-être. Pour le degré supplémentaire d’abstraction qu’il apporte. Et pour l’idée du vide qu’il véhicule, lié au souffle vital originel. Car comme le dit si bien François Cheng parlant du vide dans l’optique chinoise (Vide et plein, le langage pictural chinois, Points, 1991) : « Le Vide n’est pas, comme on pourrait le supposer, quelque chose de vague ou d’inexistant, mais un élément éminemment dynamique et agissant».

Françoise Jaunin

 

 

« La peinture est une vision, ce n’est pas un but », murmure-t-il essoufflé. L’acte de peindre est l’acte d’un passeur. La peinture passe à question celui qui la regarde, mes tableaux vibrent de mes étouffements quand je ne peux peindre.

Manu Perez

 

Expositions, Performances, Installations, Résidences
2022 galerie Univers, Lausanne Suisse.
2017 Beelden gallery,Ypres Belgique.
2016/2017 galerie Nicole Evin, Lyon France.
2016 ARTUP Lille grand Palais France ( salon d art comptemporain ) galerie Nicole Evin.
2015 galerie Nicole Evin Lille.
2015 galerie 287 Ypres Belgique.
2015 galerie ARTOP Lille France.
2013 galerie LE3113 Marseille France.
2013 Résidence d’artiste Marseille France pour les [capitale européenne de la culture].
2012 Exposition à  Ponsoby Auckland Nouvelle -Zélande.
2009 Installation vidéo/ galerie guillaume Caron,Lille France.
2006 Exposition galerie Justine Lacroix / Marseille France.
2005 Exposition  collective suite à une résidence au Mexique, galerie Neg-Pos Nîmes France.
2004 Projection vidéo collective à la Plate-forme Dunkerque France.
2004 Exposition collective « No TV tonight » galerie Kit à Lille.
2004 Résidence d’artiste au Mexique / Les Poulpes/ Marseille France.
2002 Transculturelles de Roubaix, installation extérieure, France.
2001 Exposition des Diplômés en  5éme année  aux beaux- arts de Tourcoing France.
2000 Obtention du diplôme DNSEP ( Diplôme national supérieur d’expression  plastique) ,Tourcoing France.
1999 Intervention  plastique dans la revue « tausend augen ».
1999 Installation « entre et sors » au théatre de l’idéal à Tourcoing France.
1998  Obtention du diplôme DNAP ( diplôme national d’art plastique). Tourcoing France.
1998  Exposition « 205 » Galerie T2 à Tourcoing France.
1995 à 2000 Ecole des  Beaux- Arts de Tourcoing France.