MICHEL DEVRIENT (*1943)
Michel Devrient est né à Lausanne.
Il vit et travaille entre Vevey et la Bourgogne.
Le peintre l’après-midi
Assis sur une chaise orange pivotante, le peintre frotte un pastel à coups répétés sur une toile déjà bien couverte de couleurs. La toile est fixée par des épingles à linge bleues, rouges et jaunes à un grand panneau en bois noir appuyé contre deux chevalets eux-mêmes adossés à un mur sale. Pourquoi ajoute-t-il du bleu sur une surface déjà bleue ? Ou bien du noir sur un petit demi-losange noir ? Les lignes de couleurs qui parcourent la surface forment les rayons d’un astre absent ou simplement hors champ. Le peintre parle : « Je cherche un équilibre qui permette aux couleurs de flotter. » Par le grand vasistas encadré de toiles d’araignée, un arbre agite doucement quelques feuilles, histoire d’être poli. Vues de dos, les grandes oreilles du peintre, plaquées de part et d’autre de son crâne, retiennent bien les branches de ses lunettes. Cela fait vingt bonnes minutes que le peintre s’acharne sur le coin supérieur droit de sa toile. À la radio s’achève la diffusion d’un quintette de Robert Schumann. Tout ce qu’il y a d’enfantin dans le coloriage a disparu, tout sauf la patiente répétition du geste. On s’attend à voir apparaître sur la toile une figure géométrique, une forme identifiable, mais non, rien. Ou peut-être que si, mais allez savoir quoi. Dans la pièce voisine, posée sur un tréteau, une pile de tableaux terminés. Le sont-ils vraiment ? Voici le peintre penché sur le coin inférieur gauche de sa toile : effet d’une nostalgie de diagonale ? Vaporisation à l’aérosol d’un jet de fixatif. À la radio, le canal France-Musique annonce un concert Janacek. Pour frotter le pastel, il faut lever le coude à l’horizontale, plus haut que pour boire un coup. Le temps fraîchit, les nuages passant devant le vasistas gonflent leurs joues. À partir de quand dira-t-on d’une activité qu’elle devient fastidieuse ? Le peintre pose son bâtonnet, en choisit un autre, le considère puis le range à son tour dans la boîte. Après une hésitation, il saisit un troisième pastel qui semble cette fois être le bon. L’atelier sent la poussière, la cendre et l’aggloméré humide. Le peintre se gratte le menton en regardant le résultat de son travail de l’oeil avec lequel sa bouvier bernoise observerait une boîte de sardines. Vue en profil perdu, l’oreille gauche du peintre est plus grande que la droite. Sous le soleil descendant, certaines zones de la toile ont l’air d’être recouvertes d’un vernis brillant. Le volume de la radio est faible. Symphonie Mort à Venise de Gustav Mahler en sourdine insistante. Frottis de pastel sur la toile. Le peintre travaille lentement et assez régulièrement. Une fenêtre avec ses deux battants entrouverts ou entrefermés se distinguerait ou se devinerait ou s’imaginerait au centre de la toile ? Peut-être. Un chat noir pénètre à pas de velours dans l’atelier et inspecte les lieux avant d’aller s’étendre dans la pièce voisine. Il est cinq heures de la tarde. Le peintre dit : « Le plaisir, c’est que j’ai toujours du travail ».
Hervé Gauville
Expositions personnelles (sélection)
2022 Galerie Univers, Lausanne
2017, 2019 Galerie Jonas, Cortaillod
2010 « Mur Porteurs », Lausanne
2010 Galerie Lilian Andrée, Bâle
2009 Galerie courant d’Art, Porrentruy
2009 Galerie de l’Hôtel de Ville, Yverdon
2007, 2001, 1997, 1993 Galerie Lilian Andrée, Bâle
2004, 2000, 1997, 1993, 1990 Galerie Ursula Wiedenkeller, Zürich
2003, 1997, 1992, 1987 Galerie des Amis des Arts, Neuchâtel
2001 Prieuré de Vausse, Yonne, France
2001, 1997, 1991, 1986 Galerie Arts et Lettres, Vevey
1999, 1993 Galerie Fichelin, Genève
1998 Musée de Pully (rétrospective)
1990, 1980 Galerie du Château, Avenches
1989 Galerie Zum Alten Kloster, Cologne (Allemagne)
1988 Galerie Karla Steiner, Bâle
1986 Galerie de l’Entracte, Lausanne
1985, 1982 Galerie de l’Hotel de Ville, Genève
1984 Galerie Claudine Planque, Lausanne
1981, 1978, 1975, 1973, 1971 Galerie Melisa, Lausanne
1979 Galerie Bernard Letu, Genève
1977 Galerie Numaga, Auvernier
Publications
1982 « Chausse -Trapes », 81 dessins et un texte de Sylvio Acatos Editions
Demaurex, Lausanne
1983 « Doubles », Dialogue dessiné avec Virgil Burnett, Editions Pasdeloup
Press, Stratford, Canada
1984 « Nous et les Autres », Dix ans de dessins de presse, Editions
Demaurex et Tribune de Genève
1986 « Phoenix & Co », Editions L’Essai, Genève
1989 « Cartes Postales », correspondance dessinée avec Lutz Quambusch,
Courgette Verlag, Cologne
1998 « Un peu moins d’ombre », Aphorismes et linogravures, Editions
L’Age d’Homme, Lausanne
2004 « Martini with a Splash of Dawn », Aphorismes, FRAS
Publications, Scotland
2009 « The Monday Painter » , Textes et dessins de Michel Devrient,
Traduction Robin Mc’Gauwan, Pasdeloup Press, Canada
Collections publiques
Administration Cantonale Vaudoise
Wilhelm Busch Museum, Heidelberg
Musée de l’Hermitage, Lausanne
Musée Jenisch, Vevey
Musée de Pully
Banque Cantonale Vaudoise
Banque Lombard-Odier
Banque Vaudoise de Crédit
Crédit suisse
La Suisse Assurance