Prochaine exposition
Joanna Ingarden
3 avril – 12 mai 2025
Peindre l’invisible
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Joanna Ingarden ne s’exprime guère avec les mots, car les mots l’intimident. Frêle et discrète, si l’on excepte la vivacité du regard qu’elle pose sur le monde, elle traverse l’espace sans le déranger. Il ne faut pas s’y tromper. Derrière les apparences se dévoile une artiste puissante qui s’affirme avec conviction au moyen des formes, des élans de son pinceau, de la matière et des couleurs. Et là, sur la toile, elle a tant à raconter. Chacune de ses œuvres recrée le monde, comme si l’artiste avait dû s’approprier son environnement avant de le donner à voir. À sa manière, singulière et profonde. Ses traits à la fois exubérants et légers sont ineffables mais aussi de matière brute.
La peinture de Joanna Ingarden est libre. Elle ouvre les champs de l’infini et évoque la réalité avec l’humilité, en laissant la place nécessaire au regard singulier du spectateur qui peut la recréer. Là où l’un verra des personnages, l’autre verra des oiseaux, des esprits légers qui traversent la toile sans la toucher. C’est une œuvre qui vit, palpite et se transforme. On peut chaque jour y découvrir un détail, une silhouette, un paysage ou une émotion nouvelle. C’est la magie de l’abstrait à la manière de cette peintre franco-suisse d’origine polonaise et scandinave.
La nature joue un rôle essentiel dans l’œuvre de Joanna Ingarden. Évanescente et de matière brute. Les paysages en transparence, l’océan, les fonds marins et les terres accrochées au ciel sont réels et irréels tout à la fois. Sans même s’en rendre compte, le spectateur entame un voyage en apesanteur, un envol, de paysage en paysage, tel un nomade ou un oiseau migrateur qui voit le monde depuis le ciel. Si bien que les tableaux n’ont plus de haut, plus de bas, ni de droite, ni de gauche.
L’artiste utilise une technique de jus de pigments mélangés à du liant acrylique. Elle y superpose des traits et des griffures propres à son style ce qui lui permet d’allier la matière à l’esprit. Une matière dense de terre humide qui se métamorphose dans l’évanescence de l’espace infini et la fluidité des eaux. Sortant de sa zone de confort et donnant une large place au hasard, la peintre joue avec les pigments, laissant ainsi émerger l’impalpable. Le trait instinctif génère les formes, avec une dimension graphique qui s’ajoute aux aplats.
Joanna Ingarden invente et réinvente au fil du temps un langage propre et singulier, empreint de lyrisme, qui ne répond à aucun des codes habituels de l’art et n’appartient qu’à elle.
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Fabienne Bogadi
Écrivaine et journaliste