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Notre prochaine exposition sera dédiée
aux dessins de l’artiste Corinne Kramer
du 12 juin au 20 septembre 2025.
*Photo de Nina Cuhat
Biographie
Vaudoise d’origine, Corinne Kramer obtient son diplôme de l’École supérieure d’art visuel de Genève ,
avant de créer une galerie d’art, un magasin / atelier d’encadrement et de se former à la lithographie
auprès de l’Atelier IDEM à Paris.
Le 17 janvier 2025, dans un hommage à David Lynch sur France Inter, je découvre que celui-ci venait régulièrement à Paris travailler sur les pierres ancestrales de l’atelier de lithographie Idem. Il y passait des heures humbles et laborieuses, au milieu des presses aussi anciennes que les pierres, dans l’épaisse odeur des encres et d’un siècle et demi de poussière accumulée, et le bruit très particulier des engrenages graissés qui permettent de soulever des tonnes à la force des bras.
J’aime me dire que Corinne et lui auraient pu s’y trouver côte à côte, assez semblables dans leur attention à rendre un monde intérieur, tourné pour lui vers ses visions et pour elle vers son corps intime ressenti. Car c’est ce qu’elle dit des corps qu’elle représente sans relâche, qu’ils sont le reflet de celui qu’une femme se sent habiter quand elle se sait forte et affranchie.
J’aime aussi me dire que Corinne pose aux imprimeurs d’Idem des défis pas moins grands, si ce n’est plus, que ceux que leur posait Lynch, et qu’ils y répondent avec le même respect de l’œuvre et de l’artiste, cherchant à faire sortir du poids insensé de la presse, toute la finesse des traits, c’est-à-dire sans que les noirs ni la fulgurance du geste ne soient amollis. Ils se comprennent exactement, parlent le même langage et s’obstinent vers la même exigence. Des solutions sont trouvées : une première couche à partir d’un calque, un retravail de la pierre dans la presse où on a vu Corinne réussir à se glisser pour rajouter des griffures aux griffures, qui marqueront une autre couche d’impression, et donneront donc de la profondeur à la profondeur.
Car c’est bien par couches que Corinne travaille. Du plus loin que je me souvienne, je l’ai toujours vue dessiner ainsi, par fines hachures nerveuses qui se juxtaposent et chevauchent jusqu’au noir presque complet, et laissent sur le chevalet ou le carton, une fois la feuille retirée, une ombre cernée d’épines. Et de ces traits furieux et de toute cette obscurité émergent soudain, de façon totalement inexpliquée, nos plus émouvantes et voluptueuses chairs de femme.
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J’ai chez moi les premiers tirages des lithographies faites chez Idem. L’un tient par des épingles à la paroi de ma chambre-cabane sous les combles. C’est la première chose que je vois quand je m’assois dans mon lit à mon réveil : un buste sommaire (dont il me faut re-déchiffrer les contours, les ré-éprouver chaque matin), très tendu vers l’avant, qui pourrait être le miroir de mes étirements. L’autre, plus bouleversant, est au mur de l’escalier dans mon entrée. Je me souviens du soir où nous l’avons encadré et accroché, Corinne et moi, juste avant qu’elle reprenne son train pour Morges. Habite alors chez moi un jeune homme, originaire du Soudan, mon fils aujourd’hui. Ah ouais, dit-il simplement, arrêté soudain dans sa montée des marches. Et nous restons longuement muets à contempler la tendresse de ces seins sortis du noir qui semblent appeler nos mains aimantes. Aimantes, pas désirantes, car il n’y a rien de sexuel dans ce dont ces seins témoignent, avec la même émotion à moi que, magiquement, à lui qui a la moitié de mon âge. Ce moment, dont nous n’avons jamais reparlé avant ce jour où il m’autorise bien volontiers à l’évoquer, est celui où il nous a été donné d’être au plus intime de la confiance l’un pour l’autre qui nous habite. Il est aujourd’hui père de deux garçons dont l’un né tout récemment. J’aime savoir qu’il les regarde eux et elle, leur exceptionnelle mère, avec la qualité de tendresse révélée ce jour-là.
Texte de Pascale Kramer, écrivaine
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Nous nous réjouissons de vous accueillir
du mardi au vendredi, de 10h à 18h30,
le samedi, de 10h à 17h.
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Galerie Univers
Au premier étage | 5, Rue centrale – 1003 Lausanne
021 312 85 42 | galerie.univers@gmail.com